CCR
Conseil canadien pour les réfugiés


Impact des compressions budgétaires fédérales sur les réfugiés et les immigrants
Déclaration
 
Le gouvernement fédéral a annoncé récemment une série de compressions budgétaires affectant des programmes de divers secteurs de la société canadienne, incluant le secteur bénévole et communautaire, la justice et les secteurs social et culturel. En tant qu’organismes oeuvrant à la défense des droits des réfugiés et des immigrants au Canada, nous voulons souligner l’impact de ces compressions sur les réfugiés et les immigrants et réaffirmer la valeur fondamentale de la recherche de l’équité dans la société. Puisque certaines compressions ciblent des programmes visant à garantir l’équité pour tous et toutes, nous réclamons le rétablissement du financement de tels programmes et la reconnaissance de la contribution du secteur bénévole et communautaire à l’amélioration des politiques.
 
Dans notre travail quotidien avec des personnes en quête de justice, nous comprenons que le droit à l’égalité, garanti pour tous et toutes au Canada, nécessite des efforts du gouvernement pour devenir une réalité concrète. Comme plusieurs études l’indiquent, la société canadienne n’est pas exempte de discrimination basée sur le genre, la racialisation, la classe, l’orientation sexuelle, la langue, le handicap, etc. Les programmes s’adressant aux moins privilégiés de notre société offrent un appui essentiel aux communautés en quête d’équité. Si de tels programmes sont coupés, comment le gouvernement fédéral prévoit-il répondre aux défis entourant l’équité d’un océan à l’autre?
 
Le gouvernement canadien a pris des engagements substantiels en signant l'Accord et les Codes de bonnes pratiques entre le gouvernement du Canada et le secteur bénévole et communautaire. Ces textes, qui reconnaissent le lien unique entre le secteur bénévole et les communautés, rassemblent une série de valeurs et de principes qui doivent guider la collaboration entre le gouvernement et le secteur bénévole et communautaire dans l’élaboration des politiques, tels que la citoyenneté active, l’égalité, la diversité, l’inclusion et la justice sociale.

Parmi ses principes, l’Accord soutient l’indépendance des organismes du secteur bénévole et communautaire, ce qui comprend leur droit de contester les politiques, les programmes et les lois de l'État et d'y proposer des changements. Un autre principe défendu est le dialogue, qui doit s'établir de façon à susciter et maintenir la confiance. Nous sommes préoccupés par l’exclusion du secteur bénévole et communautaire de la récente décision concernant les compressions et par le fait que le gouvernement a retiré son financement à des programmes soutenant des efforts pour changer les politiques.
 
Le Canada est un pays qui soutient la défense des droits humains et la démocratie. Le droit à l’égalité est protégé par la Charte canadienne des droits et libertés. Un tel engagement et une telle protection nécessitent des moyens appropriés pour devenir réalité. Une des priorités du gouvernement actuel est de réformer les institutions et le processus politiques pour les rendre plus responsables et plus démocratiques. Nous demandons donc au gouvernement de reconsidérer les compressions qui affecteront les individus et les groupes qui souffrent encore de la discrimination, tels que les réfugiés et les immigrants. Nous nous attendons à ce que le secteur bénévole et communautaire canadien soit inclus dans le processus actuel et futur d’élaboration des politiques, en conformité avec les engagements pris dans le cadre de l’Initiative sur le secteur bénévole et communautaire.

31 octobre 2006



Impact des compressions fédérales sur les réfugiés et les immigrants
Informations
 
Le gouvernement fédéral a annoncé le 25 septembre dernier des compressions totalisant 2 milliards de dollars qui affecteront plusieurs programmes au cours des deux prochaines années. Jim Flaherty, ministre des Finances et John Baird, président du Conseil du Trésor, ont fait l’annonce au même moment où ils rapportaient un surplus de 13,2 milliards pour la dernière année fiscale. Pour justifier les compressions, le gouvernement affirme qu’il « a éliminé les programmes inefficaces qui donnent lieu à un gaspillage des fonds publics et qu’il a réduit les dépenses de l’État ainsi que la dette nationale. » « Nous coupons dans le gras, et nous recentrons les ressources financières en fonction des grandes priorités des Canadiennes et des Canadiens », a indiqué le ministre Baird.
 
Ces compressions fédérales affecteront de différentes manières les réfugiés et les immigrants, ainsi que d’autres membres de groupes minoritaires ou marginalisés. Même si les compressions ne ciblent pas directement les services aux immigrants et aux réfugiés, certaines auront un impact sur la défense de leurs droits. Le gouvernement a annoncé des compressions de 55 millions aux programmes d’emploi pour les jeunes, 5 millions au Programme de contestation judiciaire (signifiant l’élimination du Programme), 5 million au budget administratif de Condition féminine Canada et 4,2 millions à la Commission du droit du Canada (signifiant la fermeture de la Commission).

Condition féminine
Condition féminine Canada (CFC) voit son budget annuel de 13 millions de dollars amputé de 5 millions sur deux ans. Bien que la branche des subventions et contributions (11 million $) de l’organisme n’a pas été affectée, les compressions administratives suscitent des craintes quant à la diminution de la capacité opérationnelle de l’organisme. Un changement dans le mandat de CFC a aussi été annoncé : CFC cessera de financer des groupes pour le plaidoyer, le lobbying et la recherche générale. Le mot « égalité » a aussi été supprimé du mandat du Programme de promotion de la femme.  

CFC avait précédemment aidé des organisations de femmes à participer au processus de politiques publiques et soutenu le renforcement des capacités pour les femmes de couleur. L’organisme a aussi permis d’augmenter la compréhension du public des questions liées à l’égalité des femmes. Ces initiatives ont soutenu la participation des femmes réfugiées et immigrantes dans la société canadienne (L’Approche de l’établissement basée sur le genre du CCR a reçu des fonds par le biais du Programme de promotion de la femme). Le gouvernement fédéral ne fournira plus ce type de soutien.
 
Lors d’une réunion le 4 octobre dernier avec des groupes de femmes, Beverley Oda, ministre responsable de CFC, a dit aux représentantes que les nouvelles lignes directrices de financement vont, à partir de maintenant, les empêcher d’utiliser des fonds fédéraux pour des activités de lobbying ou de plaidoyer. Elle a aussi réaffirmé l’intention du gouvernement de maintenir la compression de 5 millions, malgré les protestations.
 
Le Programme de contestation judiciaire
Le Programme de contestation judiciaire soutient des actions en justice qui s’appuient sur le droit à l’égalité garanti par la Charte canadienne, intentées par des personnes vulnérables telles les réfugiés, les handicapés, les femmes, les minorités religieuses et les gais et les lesbiennes. (Le programme soutient également les causes types concernant les droits linguistiques). La Charte garantit le droit à l’égalité et le droit aux avantages et à une protection égale devant la loi sans discrimination. Toutefois, pour appliquer ce droit, les individus et les groupes ont besoin de moyens financiers pour accéder aux tribunaux. Les groupes victimes de discrimination sont nécessairement les moins privilégiés et donc les moins susceptibles d’avoir l’argent nécessaire à porter une cause devant la cour. Sans l’accès au Programme de contestation judiciaire, seules les personnes ayant les moyens financiers auront accès aux tribunaux pour y contester les lois.
  
En mai 2006, le gouvernement a utilisé le Programme de contestation judiciaire comme exemple de l’engagement du Canada envers les droits de la personne devant un comité des Nations Unies à Genève. Le Programme fut défendu en ces termes :
 
 Le Programme de contestation judiciaire (PCJ) offre un financement pour les causes types d'importance nationale afin de bien expliquer les droits des groupes de langue officielle en situation minoritaire et les droits à l'égalité des membres de groupes défavorisés.

Le gouvernement ne peut pas appuyer toutes les contestations judiciaires, mais ce programme canadien tout à fait unique a permis de soutenir un certain nombre d'affaires importantes présentées devant les tribunaux qui ont eu des incidences directes sur le respect des droits linguistiques et des droits à l'égalité au Canada. Selon une évaluation récente, il y a encore certaines dimensions des dispositions constitutionnelles visées présentement par le PCJ qui doivent être clarifiées, et le programme actuel a été prolongé jusqu'en mars 2009.

L’abolition du Programme de contestation judiciaire privera des réfugiés vulnérables tels Suleyman Goven d’un recours essentiel lorsqu’ils font face à la discrimination. Grâce au Programme de contestation judiciaire, Suleyman Goven a récemment pu contester un délai d’attente de treize ans dans l’octroi de sa résidence permanente.  M. Goven a été reconnu réfugié par le Canada en 1993 mais le gouvernement a refusé de lui accorder la résidence permanente.  En novembre 2005, M. Goven a intenté une action en justice en faisant valoir que le gouvernement violait son droit à l’égalité reconnu par la Charte.  Cette action lui a apparemment valu la résidence permanente, octroyé en septembre, ce qui lui permet enfin de poursuivre sa vie après treize ans dans un vide juridique.  Il poursuivra l’action judiciaire afin de demander un dédommagement et des modifications systémiques afin que d’autres n’aient pas à endurer ce qu’il a souffert.

La communauté somalienne a aussi obtenu du financement du Programme de contestation judiciaire pour contester l’impact discriminatoire du règlement d’immigration exigeant que les réfugiés fournissent des documents d’identité « satisfaisants » afin d’obtenir le statut de résident permanent. Cette disposition a surtout affecté les Somaliens et les Afghans, à cause de l’absence de gouvernement fonctionnel dans leur pays d’origine. Le recours en justice a permis de trouver une solution pour les Somaliens, les Afghans et d’autres personnes vivant des situations similaires.

Commission du droit du Canada
Le financement de la Commission du droit du Canada a été éliminé, ce qui représente un montant de 4,2 millions $. Créée en 1997, la Commission du droit est un organisme fédéral indépendant chargé de la réforme du droit, qui conseille le Parlement sur la façon d’améliorer et de moderniser les lois canadiennes.

La mission de la Commission du droit du Canada est d’engager les Canadiens et Canadiennes dans la réforme du droit afin de s’assurer qu’il soit pertinent, dynamique, efficace, juste et également accessible à tous et à toutes. Son approche de la réforme du droit est multidisciplinaire et participative, et elle prend en considération la complexité des enjeux sociaux. Durant ses neuf années d’existence, la Commission a mené des recherches, produit de nombreux rapports importants, et elle est devenue un modèle des meilleures pratiques pour plusieurs organes de réformes du droit à travers le monde.  Sans la Commission du droit du Canada, le gouvernement fédéral sera moins équipé pour s’assurer que les lois et le système légal canadiens demeurent pertinents et reflètent les changements dans notre société.

 
Initiative canadienne sur le bénévolat
Le gouvernement canadien a aussi éliminé son soutien à l’Initiative canadienne sur le bénévolat. Ce programme vise à faciliter le réseautage et les échanges de connaissances et à soutenir l’infrastructure bénévole à travers le Canada. La coupure de 9,7 millions de dollars, justifiée par le fait que c’est un « programme périphérique » affectera plusieurs organismes du secteur bénévole et communautaire. Elle aura également un impact direct sur l’engagement des 12 millions de Canadiens et Canadiennes qui fournissent deux milliards d’heures de bénévolat chaque année. Le gouvernement lui-même se fie sur les bénévoles pour la livraison de programmes et de services. Ces compressions ont été faites sans consulter le secteur, donc on ne sait pas comment le gouvernement prévoit soutenir le bénévolat dans le futur.


Investissements dans l’emploi des jeunes
Le financement de Ressources humaines et développement social Canada comprend des programmes appartenant à la Stratégie des compétences en milieu de travail ainsi que le Placement carrière-été. Le premier avait un potentiel certain pour soutenir et rehausser l’intégration des employés immigrants et leur contribution à leur environnement de travail. Le second a permis pendant des années aux organismes d’établissement d’enbaucher des jeunes immigrants racialisés pour l’été, leur permettant ainsi d’acquérir des compétences et de l’expérience pour leur future carrière. Les compressions budgétaires correspondent à 50% des fonds de ce programme. Le gouvernement a dit qu’il ne réduira pas le nombre d’emplois disponibles, la question est donc de savoir si ce sont les organismes qui devront contribuer davantage, ce qui risque d’exclure plusieurs organismes du secteur bénévole et communautaire.
 
Pour plus d’informations:

Général

Communiqué de presse officiel sur les compressions budgétaires fédérales
Ministère des Finances du Canada
http://www.fin.gc.ca/news06/06-047f.html

Compressions budgétaires conservatrices : un assaut à la justice sociale
Conseil ontarien d'organismes au service des immigrants (sigle anglais : OCASI)
http://www.ocasi.org/index.php?qid=906

Why the Conservatives are cutting spending now new (en anglais)
Éditorial de Ellen Russell, économiste senior au Canadian Centre for Policy Alternatives http://www.policyalternatives.ca/Editorials/2006/10/Editorial1450/index.cfm?pa=AE5DAA5F

Lettre ouverte de la Muttart Foundation (en anglais) - une fondation privée qui soutient les organismes charitables au Canada, surtout en Alberta et en Saskatchewan - sur les effets des compressions sur les organismes du secteur bénévole et communautaire
http://www.muttart.org/download/Harper%20Letter%20Sept.%2029,%202006%20FINAL.PDF
 
Au sujet du Programme de contestation judiciaire
 
Les compressions budgétaires feront mal aux réfugiés et aux immigrants
Communiqué de presse du Conseil canadien pour les réfugiés (CCR) sur le Programme de contestation judiciaire
http://www.ccrweb.ca/commcompressionsoct06.html

Site Internet de la coalition Sauvons le programme de contestation judiciaire du Canada
 http://www.sauvonslepcj.ca/
 
L’ABC demande le rétablissement du Programme de contestation judiciaire et de son financement intégral
Communiqué de l’Association du Barreau canadien sur le Programme de contestation judiciaire
http://www.cba.org/ABC/Nouvelles/2006_communiques/2006-10-16_ccp.aspx
 
Au sujet de la Commission du droit du Canada
 
La Commission du droit du Canada réagit à la décision du gouvernement d’éliminer son financement
Communiqué de presse de la Commission du droit du Canada
http://www.lcc.gc.ca/resources/news_releases-fr.asp?id=113&lang_update=1
 
 Lettre ouverte (en anglais) adressée au Ministre de la Justice, au sujet de la Commission du droit du Canada, publiée dans le Toronto Star du vendredi 29 septembre 2006
http://osgoode.yorku.ca/media2.nsf/83303ffe5af03ed585256ae6005379c9/06275972c706a97c852571f80059811b!OpenDocument

Au sujet de Condition féminine Canada
 
Nouvelles directives interdisant la défense de droits et le lobbying
Communiqué conjoint de plusieurs organisations de femmes
http://www.ffq.qc.ca/communiques/comm-04-10-2006.html
 
Government real priorities revealed (en anglais)
Communiqué de presse sur Condition féminine Canada signé par 9 organisations de femmes
http://dawn.thot.net/media-sept26-06.html

Au sujet de l’Initiative canadienne sur le bénévolat

Compressions de programmes fédéraux Le bébé de 2 millions de Québécois jeté avec l’eau du bain
Communiqué de presse du Réseau de l’action bénévole du Québec (RABQ)
http://www.rabq.ca/app/DocRepository/2/Publications/ReveseLM.pdf