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PROBLÈMES CLÉ : L'IMMIGRATION ET LA PROTECTION DES RÉFUGIÉS

Mars 2004

Les Canadiens se targuent d'appartenir à un pays bâti par l'immigration et doté d'une tradition de protection des réfugiés. Le Conseil canadien pour les réfugiés signale ci-dessous certains domaines qui necéssitent de l'action avant que la fierté des Canadiens puisse être justifiée.

DROITS CIVILS

Les mesures des sécurité adoptées dans la foulée des attaques du 11 septembre 2001 ont miné les droits fondamentaux au Canada et les réfugiés et immigrants sont parmi ceux qui en subissent les pires conséquences. Le gouvernement canadien s'est servi des larges pouvoirs de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés pour détenir, arrêter et déporter des individus en s'appuyant sur une simple suspicion ou des preuves secrètes. Les victimes sont très en grande majorité des musulmans et des arabes. En août 2003, 22 Pakistanais et 1 Indien ont été arrêtés et détenus sur base de suspicions de terrorismes dans le cadre de l'Opération « Thread ». Il s'est vite avéré que ces suspicions étaient dénuées de tout fondement, mais les détenus avaient déjà été publiquement étiquettés comme « suspects terroristes » .(1) Depuis 2001 on constate un recours accru aux « certificats de sécurité », qui permettent au gouvernement de porter des accusations sans montrer à l'accusé, ni même à son avocat, la preuve qui pèse contre lui.(2)La tendance est vers une expansion des pouvoirs relatifs au certificat de sécurité : en 2002 les résidents permanents se sont vus retirer un droit de révision,(3) le Premier ministre entrant Paul Martin a réduit de deux à un le nombre de ministres dont la signature est requise pour que soit délivré un certificat de sécurité,(4) et le projet de loi C-18, déposé par le gouvernement en octobre 2002, a cherché à étendre l'application du certificat de sécurité aux citoyens naturalisés (le projet de loi est mort au feuilleton en 2003 mais il pourrait être présenté de nouveau).

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PROTECTION DES RÉFUGIÉS

La protection des réfugiés au Canada a subi plusieurs revers au cours des dernières années. En 2002 la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés est entrée en vigueur sans la Section d'appel des réfugiés, pourtant prévue par la loi.(5) Par ailleurs, la nouvelle Loi a réduit de deux à un le nombre de personnes chargées de prendre la décision sur une demande du statut de réfugié. Par conséquent, le sort d'un demandeur du statut de réfugié au Canada est maintenant décidé par une seule personne, sans aucun appel sur le fond. Un Canadien qui conteste une simple contravention de stationnement a droit à l'appel pendant que le demandeur du statut de réfugié, dont la vie peut être en danger, en est privé.

En décembre 2002, les gouvernements du Canada et des États-Unis ont signé une entente sur « le tiers pays sûr ».(6) L'impact de cette entente, qui n'est pas encore entrée en vigueur, sera de fermer en grande partie la porte aux demandeurs du statut de réfugié se présentant à la frontière canado-américain, sans égard au sort qui les attend s'ils sont forcés de demander l'asile aux É.U. Déjà bien avant la mise en vigueur de cette entente, le Canada a commencé en 2janvier 2003 à renvoyer de force les demandeurs, en vertu d'une politique de « renvois temporaires ». Les demandeurs renvoyés avaient en principe le droit de revenir au Canada plus tard, mais dans les faits, beaucoup des demandeurs, surtout les hommes musulmans, étaient détenus par les autorités américaines, et certains d'entre eux étaient en conséquence incapables de revenir au Canada.(7)

Depuis 2002 on détient un nombre plus important de demandeurs du statut de réfugié au Canada. La nouvelle loi facilite la détention des demandeurs sans pièce d'identité, même s'il y a souvent des raisons impérieuses qui empêchent les réfugiés à se munir des documents d'identité. Chaque semaine, environ 290 demandeurs du statut de réfugié sont détenus au Canada.(8)

Si l'on encourage officiellement la réinstallation des réfugiés, en pratique les ressources allouées au traitement des réfugiés à l'étranger en vue d'une réinstallation au Canada sont insuffisantes. Par conséquent, les groupes privés au Canada qui désirent parrainer des réfugiés attendent régulièrement des années pour le traitement de la demande. Pendant cette période, les réfugiés parrainés sont à risque dans un camp de réfugié ou dans une autre situation vulnérable, et les groupes de parrainages, de leur côté, deviennent frustrés.(9)


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DES FAMILLES UNIES

La réunification des familles figure parmi les buts du programme d'immigration du Canada. La loi, cependant, impose la séparation à certaines familles. Depuis 2002, des modifications aux règles ont fait en sorte qu'il devient beaucoup plus difficile de rester au Canada pendant le traitement d'une demande de parrainage par les membres de la famille.(10) Par conséquent, certaines personnes ont été obligées de quitter le Canada, ce qui les sépare de leur conjoint-e et de leurs enfants, afin qu'elles puissent être réunies avec leurs famille à partir de l'étranger. Les nouvelles règles empêchent les mères et les pères bénéficiaires de l'aide sociale de parrainer leurs enfants, ce qui prive les enfants du droit fondamental d'être auprès de leurs parents.(11) Les enfants reconnus réfugiés au Canada peuvent demander la résidence permanente pour eux-mêmes, mais pas pour leurs parents ou frères et soeurs, ce qui signifie qu'il n'y a aucune voie par laquelle ces enfants puissent se réunir avec leur famille.(12)

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INTÉGRATION

L'acquisition de la résidence permanente est la clé de l'intégration pour les nouveaux arrivants. Cependant, certains réfugiés et immigrants se retrouvent dans un vide juridique, demeurant au Canada pendant des années sans réussir à obtenir la résidence permanente (ce groupe comprend des réfugiés reconnus, des personnes qui ne peuvent être renvoyées à cause de la situation généralisée de risque dans le pays d'origine et d'autres personnes qui restent pendant des années sans statut au Canada).

Les services d'établissement offrent une aide importante aux nouveaux arrivants qui cherchent à s'adapter à la vie au Canada. Ces services sont de façon chronique sous-financés. Le budget n'est pas lié au nombre d'immigrants, ce qui signifie qu'il y a moins de services par immigrant lorsque les taux d'immigration montent. Les services financés par le gouvernement sont également soumis à des règles strictes d'admissibilité. Par conséquent, certains nouveaux arrivants qui ont besoin de services (tels que les demandeurs du statut de réfugié ou des immigrants qui sont au pays depuis plusieurs années) ne sont pas couverts.

L'accès à l'emploi est crucial pour l'intégration. Malgré le fait que le Canada est un pays d'immigration, les immigrants font face à de nombreux obstacles au plein emploi, notamment le racisme, la non-reconnaissance des titres étrangers et d'insuffisants programmes pour aider les nouveaux arrivants à avoir accès au marché de travail canadien.

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1.   Cet incident a été largement couvert dans les médias. Voir par exemple, "Bin Laden agents among 19 arrested, lawyers say", Globe and Mail, 27 août 2003; "Terror suspects pose no risk, Immigration decides", Globe and Mail, 26 septembre 2003; "'Our dreams are now dust': Former terror suspects patch up lives in Pakistan", Toronto Star, 8 février 2004.

2.  Les disposition relatives aux certificats de sécurité se trouvent aux articles 76-84 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. En novembre 2001, Citoyenneté et Immigration Canada a fait état de trois personnes détenues en vertu d'un certificat de sécurité. Deux ans plus tard, six hommes sont visés par un certificat de sécurité.

3.  L'article 39 de l'ancienne Loi sur l'immigration prévoyait une révision par le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité avant qu'un certificat de sécurité puisse être émis contre un résident permanent. Cette révision a été supprimée dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, qui prévoit le même processus pour les résidents permanents que pour les autres non-Canadiens.

4. Décret du Conseil 2003-2063, 2003-12-12.

5. Citoyenneté et Immigration Canada, La mise sur pied de la section d'appel des réfugiés est retardée, Communiqué, 29 avril 2002.

6. Le texte de l'entente se trouve au http://www.cic.gc.ca/francais/politiques/pays-surs. On fait référence à la signature de l'entente dans le Rapport d'étape annuel concernant le plan d'action sur la frontière intelligente, le 3 octobre 2003, disponible sur le site web de MAÉCI.

7. Voir Conseil canadien pour les réfugiés, Forced returns of refugee claimants to the US by the Canadian government: Questions and Answers, March 2003, et autres documents au www.web.ca/~ccr/whatsnew.

8. Des statistiques fournies par Citoyenneté et Immigration Canada, maintenant l'Agence des services frontaliers du Canada, de la période allant du 15 juin 2003 au 27 décembre 2003, indiquent qu'il y avait en moyenne 291 détentions de demandeurs du statut de réfugié par semaine.

9. Les statistiques les plus récentes affichées sur le site web de Citoyenneté et Immigration Canada révèlent que 50% des réfugiés parrainés par les groupes privés attendent plus de 14 mois pour une décision finale (les chiffres s'appliquaient à l'an 2002).

10. Les articles 123-129 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés créent la Catégorie « Époux ou conjoints de fait au Canada » mais ils excluent les personnes qui ne détiennent pas le statut de résident temporaire au Canada. La création de cette catégorie a été accompagnée d'une approche plus restrictive envers les demandes de motifs humanitaires par des personnes se trouvant au Canada sans statut temporaire.

11. Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, 133(1)(k).

12. Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, 176(1), 1(3) (définition de « membre de la famille »)