Déclaration du Conseil canadien pour les réfugiés, en réponse au rapport de l’année 2003 de la vérificatrice générale du Canada
(Chapitre 5, intitulé « Citoyenneté et Immigration Canada – l’application de la loi et le contrôle »)

15 avril 2003

Introduction

En avril 2003 la Vérificatrice générale du Canada a déposé son rapport à la Chambre des Communes. Le Chapitre 5 de ce rapport s’attaque aux activités de contrôle et d’exécution de loi d’immigration. Le Conseil canadien pour les réfugiés comprend le rôle particulier de la Vérificatrice générale dans l’évaluation des activités du gouvernement, mais considère néanmoins que le chapitre souffre d’une approche restreinte et unidimensionnelle à l’évaluation des mesures d’exécution de la loi et de contrôle. Ceci a contribué à une couverture médiatique trompeuse. Parce qu’elle est très éloignée du contexte humaine de la détention et des renvois, la vérification n’évalue aucunement le coût des activités inutiles d’exécution de la loi, du point de vue tant des personnes touchées que des contribuables. La vérification contribue donc au mythe d’un Canada qui n’appliquent guère ses lois sur l’immigration, sans jamais aborder les réalités des personnes détenues pendant des mois pour des motifs peu convaincants, déportées vers des situations de risque, interceptées et refoulées vers la persécution ou vivant dans la crainte et la privation parce qu’elles sont sous la menace de déportation.

Étendue des activités d’exécution de la loi

La couverture médiatique dont a fait l’objet le rapport donne l’impression que la législation en matière d’immigration n’est pratiquement pas mise en application. Cette image est fausse. Les personnes interrogées, détenues et déportées par Citoyenneté et Immigration Canada, à chaque jour, peuvent témoigner que les activités d’exécution de la loi sont très présentes et affectent la vie de nombreuses personnes. Des milliers de personnes dont le statut au Canada est incertain vivent quotidiennement avec la peur d’être les prochaines à apprendre la force de la loi sur l’immigration.

Les abus d’exécution de la loi

Le rapport de la vérificatrice générale ne tente aucunement d’évaluer la qualité des activités d’exécution de la loi, du point de vue de ceux qui sont visés par ces dernières. Aucune attention n’est accordée aux accusations de racisme et d’abus de pouvoir portées contre certains fonctionnaires chargés de l’exécution de la loi. Cette lacune est particulièrement flagrante étant donné les précédents historiques, entre autres ceux qui sont cités dans l’étude sur les expulsions, menée par Roger Tassé en 1996 et dont CIC l’a chargé après qu’on a révélé qu’un fonctionnaire avait commis des falsifications afin de faciliter l’expulsion de certaines personnes. L’étude recommandait le renforcement des mesures d’imputabilité et d’accorder plus d’attention aux questions déontologiques. Il n’y a toujours pas de mécanismes indépendants de plainte à la disposition des personnes qui ont le sentiment d’avoir été maltraitées par les fonctionnaires de l’immigration chargés de l’exécution de la loi.

Les conséquences découlant du fait d’être sans statut au Canada

Les médias citent la vérificatrice générale qui se demande « pourquoi les gens se conformeraient aux procédures afin d’arriver au pays de manière légale, alors qu’ils peuvent y venir de manière illégale et sans avoir de conséquences à subir ? » En fait, les personnes sans statut au Canada sont confrontées, tous les jours de leur vie, à de très sérieuses conséquences, car elles n’ont quasiment aucun droit au Canada. D’ailleurs, elles éprouvent de grandes difficultés à avoir accès aux services de base, tels que les soins de santé. Elles sont vulnérables face à l’exploitation des employeurs et d’autres personnes. Elles ne bénéficient d’aucun filet de sécurité sociale. En réalité, toutes les voies d’amélioration de leurs vies soit par l’éducation, soit par le développement professionnel, leur sont fermées.

Détention inutile

Le rapport de la vérificatrice générale étudie la question de la détention sans se demander si CIC détient inutilement certaines personnes et engendre ainsi des frais considérables pour le contribuable. De nombreux Canadiens pourraient se demander à quoi cela sert de garder une femme en détention lorsqu’elle donne naissance à un enfant, ou de détenir des enfants (et même, dans un cas au moins, d’envoyer des gardes pour surveiller un enfant hospitalisé). Certains détenus passent des mois et des années sans êtres expulsés. Certains demandeurs du statut de réfugié qui sont détenus car ils n’ont pas de documents d’identité demeurent en détention même après qu’ils les produisent parce qu’ils n’ont pas l’argent nécessaire pour payer une caution.

Interventions contestables

La vérificatrice générale a également omis de demander si CIC use efficacement de ses ressources d’exécution de la loi quand il intervient dans les demandes d’asiles des réfugiés devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Bien que certaines interventions de CIC sont nécessaires car elles assurent que les renseignements appropriés sont pris en considération, d’autres n’apportent rien au processus. Elles ne font que prolonger les délais. Étant donné les arriérés actuels des demandes d’asile auprès de la CISR et le manque de ressources de CIC, les interventions inutiles auprès de CISR sont deux fois plus coûteuses.

Incidence de l’interception des réfugiés

La vérificatrice générale exprime sa satisfaction à l’égard des efforts déployés par le Canada concernant l’interception outremer qui vise à empêcher les voyageurs « non munis des documents nécessaires » d’arriver au Canada. Elle ne pose pas la question à savoir ce que deviennent ceux qui sont interceptés, dans le cas où ce sont des réfugiés fuyant la persécution. Dans certains cas, l’interception entraîne l’emprisonnement des réfugiés dans le pays où ils sont interceptés ou leur renvoi dans le pays où ils sont victimes de la persécution, sans qu’on leur donne jamais la chance de faire une demande d’asile.

Priorités de financement

Citoyenneté et Immigration Canada voudrait, sans aucun doute, avoir des ressources supplémentaires à consacrer aux activités d’exécution de la loi. Mais le ministère a également désespérément besoin de ressources supplémentaires dans d’autres secteurs. Des personnes tentant de se réunir avec les membres de leur famille proche sont confrontées à de longs délais, car il n’y a pas assez d’agents d’immigration disponibles. Les demandes de réfugiés attendant la réinstallation au Canada sont également mises de côté. CIC va jusqu’à laisser entendre que les réfugiés pourraient avoir à payer des frais pour le traitement de leurs demandes, car CIC n’est pas en mesure de prendre en charge les frais découlant de l’engagement du gouvernement vis-à-vis de la réinstallation des réfugiés.

Des arriérés partout : CIC a-t-il besoin d’une charge de travail supplémentaire?

Il apparaît que presque chaque aspect du travail dont CIC est responsable croule sous les arriérés malgré les ressources supplémentaires qui lui ont été allouées dans la foulée de conséquences entraînées par le 11 septembre : des retards sont accumulés dans le traitement des demandes de réunification familiale, des demandes de la part des réfugiés à l’étranger, des demandes de travailleurs qualifiés, ainsi que des demandes basées sur des motifs humanitaires. Il est dès lors plus étrange encore que le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration demande au Conseil des ministres que CIC prenne en charge la responsabilité de statuer sur les demandes d’asile, jusque là assumée par la CISR. Il semble peu vraisemblable que CIC soit en mesure de prendre en charge tout travail supplémentaire.

Régularisation de la situation des personnes sans statut

L’évocation des chiffres lorsqu’on parle des milliers de personnes en situation irrégulière au Canada occulte l’aspect humain. Nombre d’entre elles n’ont, en effet, commis aucun acte illégal. Elles peuvent être des familles de réfugiés qui se sont vu refuser le statut de réfugié sans possibilité d’appel, car le gouvernement n’a pas mis en place la procédure d’appel prévue par la loi. Il se peut qu’il ne soit pas possible de les expulser, car ces personnes proviennent d’un pays en guerre ou dont la situation est tellement instable que le Ministre a temporairement suspendu les renvois. Elles peuvent être des femmes victimes de la traite, détournées vers le Canada, et qui sont en réalité, détenues en esclavage au Canada. Elles peuvent être des personnes qui voudraient retourner dans leur pays mais sans être en possession des moyens nécessaires pour le faire et CIC n’offre aucune aide pour le retour volontaire. Elles peuvent être des personnes qui contribuent de manière positive à la vie économique et sociale canadienne. Elles peuvent être des personnes qui se trouvent ici, car leur famille est au Canada.

Le Canada gagnerait plus à investir dans des programmes de régularisation du statut des personnes au lieu de dépenser plus d’argent à les déporter.