Déclaration sur la décision du Canada de soutenir seulement 11 000 migrants en provenance des Amériques

Le Conseil canadien pour les réfugiés (CCR) est consterné par le fait que le gouvernement canadien a revu à la baisse son engagement de protéger 15 000 migrants en provenance des Amériques, un engagement qui avait pourtant été pris en mars 2023 après l’élargissement de l’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS) entre le Canada et les États-Unis. La fermeture des frontières aux personnes qui ont besoin de protection était déjà en soi une grave erreur et l’engagement qui avait été présenté à ce moment, soit celui d’offrir des voies d’accès sûres à 15 000 personnes supplémentaires sur une base humanitaire, était lui-même dérisoire. Néanmoins, cet engagement a maintenant été réduit à 11 000 personnes, les 4 000 places restantes étant désormais occupées par des travailleurs étrangers temporaires dans le cadre d’un programme qui n’offre ni permanence ni protection.

Le premier ministre Trudeau avait annoncé son engagement de réinstaller au Canada 15 000 personnes originaires de l’hémisphère occidental afin de faire face aux déplacements forcés dans la région, dans le cadre de la décision de fermer davantage la frontière terrestre aux demandeurs d’asile en étendant l’ETPS avec les États-Unis aux points d’entrée non officiels. Le CCR maintient que l’ETPS est une entente inefficace et dangereuse qui contrevient aux obligations internationales du Canada en matière de droits humains et aux obligations de la Charte, soit d’assurer la protection des personnes qui arrivent à nos frontières pour fuir la persécution et la violence.

L'engagement du gouvernement à la réinstallation de 15 000 migrants des Amériques comme une forme de « compensation » pour la fermeture de la frontière était déjà insuffisant, compte tenu de la crise des déplacements forcés dans la région et du nombre de personnes à qui il est désormais interdit de demander l’asile au Canada. En mars, le premier ministre avait été très clair dans sa déclaration et, en réponse aux journalistes, avait indiqué que l’initiative d’accueillir 15 000 migrants serait basée sur la protection humanitaire et viserait à créer des voies régulières pour les demandeurs d’asile. De plus, celle-ci était décrite comme une initiative supplémentaire s’ajoutant aux engagements antérieurs, qui s’appuyait sur la Déclaration de Los Angeles de 2022 sur la migration et la protection, en vertu de laquelle le Canada avait promis de réinstaller jusqu’à 4 000 migrants en provenance des Amériques d’ici 2028. Ceci signifie que le Canada s’est engagé, sur une base humanitaire, à réinstaller un total de 19 000 personnes qui doivent composer avec des déplacements forcés dans les Amériques.

La réduction de cet objectif et l’attribution de 4 000 de ces places à des travailleurs étrangers temporaires constituent une dégradation honteuse de l’engagement du gouvernement en faveur de la protection des réfugiés dans l’hémisphère occidental. Le programme de travailleurs étrangers temporaires n’est pas un programme humanitaire, mais plutôt un programme conçu pour répondre aux besoins économiques du Canada. Il n’offre pas de voies d’accès à la résidence permanente et est entaché par de graves violations de droits. Le rapporteur spécial des Nations unies Tomoya Obokata a déclaré que les programmes de travailleurs étrangers temporaires « rendent les travailleurs migrants vulnérables aux formes contemporaines d’esclavage ». L’expert des Nations unies a été « profondément troublé par les récits d’exploitation et d’abus dont [lui] ont fait part des travailleurs migrants », notamment en raison des permis de travail fermés qui lient les travailleurs à la merci d’un seul employeur, les séparent de leur famille et leur refusent plusieurs droits accordés aux autres travailleurs au Canada. Ces observations sont à des années lumières de la protection promise par le premier ministre quand l’ETPS a été élargie et que le chemin Roxham a été fermé.

Le CCR demande au gouvernement de revoir son approche et de réitérer son engagement d’accueillir au Canada 15 000 migrants issus de l’hémisphère occidental. Le gouvernement devrait clarifier que pendant que l’ETPS est en vigueur :

  • L’engagement de réinstaller 15 000 migrants en provenance de l’hémisphère doit devenir un engagement annuel, qui s’ajoute aux objectifs actuels tels que ceux qui sont énoncés dans la Déclaration de Los Angeles.
  • Tous les migrants réinstallés dans le cadre de cet engagement recevront leur statut permanent
  • Une attention spéciale sera portée aux populations plus vulnérables qui pourraient ne pas être en mesure d’être protégées aux États-Unis, incluant les personnes 2SLGBTQI+ et celles qui fuient la violence fondée sur le genre.
  • La réinstallation est ouverte à toute personne ayant besoin de protection et se situant dans l’hémisphère, et ne se limite pas à des nationalités spécifiques ou à des liens familiaux.

17 octobre 2023